Troubles bipolaires : Diagnostic Infirmier & Plan de Soins

Utilisez ce guide et ce plan de soins infirmiers pour comprendre la prise en charge des patients atteints de troubles bipolaires. Vous y trouverez l’évaluation infirmière, les diagnostics, les objectifs et les interventions adaptés à cette pathologie.

Qu’est-ce que le trouble bipolaire ?

Le trouble bipolaire, aussi appelé maladie maniaco-dépressive, est une maladie mentale fréquente, sérieuse et durable. Selon la classification internationale (CIM-10) et le DSM-5, il fait partie des troubles de l’humeur et regroupe le trouble bipolaire de type I (BP-I), de type II (BP-II) et la cyclothymie. On le considère comme un trouble « intermédiaire » entre la schizophrénie et la dépression, car il partage certaines caractéristiques génétiques et cliniques avec eux.

Le trouble bipolaire de type I est diagnostiqué lorsqu’un patient présente au moins un épisode maniaque durant une semaine ou plus, suffisamment sévère pour nécessiter une hospitalisation ou provoquer une altération majeure de la vie sociale ou professionnelle. Ces épisodes ne doivent pas être liés à une autre maladie ni à la consommation de substances.

Selon le DSM-5, les troubles bipolaires et apparentés sont classés en plusieurs catégories :

  • Trouble bipolaire de type I (BD-I) : au moins un épisode maniaque (pouvant être précédé ou suivi d’un épisode hypomaniaque ou dépressif majeur).
  • Trouble bipolaire de type II (BD-II) : au moins un épisode hypomaniaque (actuel ou passé) et un épisode dépressif majeur. Ici, il ne doit jamais y avoir d’épisode maniaque.
  • Trouble cyclothymique : alternance de symptômes d’hypomanie et de symptômes dépressifs ne remplissant pas les critères complets d’un épisode maniaque ou dépressif majeur, présents pendant au moins deux ans.
  • Troubles bipolaires et apparentés spécifiés : symptômes de type bipolaire présents, mais pas assez longs ou pas assez graves pour répondre aux critères du BD-I, BD-II ou cyclothymie.
  • Troubles bipolaires et apparentés non spécifiés : symptômes évocateurs d’un trouble bipolaire causant une souffrance ou une gêne significative dans la vie quotidienne, sans remplir complètement les critères des catégories ci-dessus.

Plans de soins infirmiers et prise en charge du trouble bipolaire

Les soins infirmiers pour les patients atteints de trouble bipolaire ont plusieurs objectifs :

  • Assurer un environnement sécurisant.
  • Favoriser une meilleure estime de soi.
  • Encourager le soutien social et familial.
  • Stimuler l’autonomie dans les soins personnels.
  • Guider vers des comportements adaptés socialement.
  • Fournir une éducation sur la maladie et les moyens de mieux la gérer.

Problèmes infirmiers prioritaires

  1. Stabilisation de l’humeur : aider le patient à réduire l’intensité et la durée des épisodes maniaques ou dépressifs.
  2. Observance thérapeutique : s’assurer que le patient prend bien son traitement pour limiter les rechutes.
  3. Prévention du risque suicidaire : évaluer régulièrement le risque, mettre en place des mesures de sécurité et offrir du soutien.
  4. Éducation thérapeutique : informer le patient et sa famille sur la maladie, les déclencheurs et les stratégies d’autogestion.
  5. Soutien psychosocial : proposer un accompagnement, une thérapie et des conseils pour améliorer les capacités d’adaptation et la qualité de vie.

Évaluation infirmière

Chez un patient atteint de trouble bipolaire, l’évaluation consiste à recueillir des données subjectives (ce que le patient exprime : pensées, émotions, perceptions) et des données objectives (ce que l’infirmière observe : comportements, signes cliniques, résultats d’examens). Les indications spécifiques liées à l’évaluation sont détaillées dans la partie Interventions et actions infirmières.

Diagnostic infirmier

Après avoir recueilli et analysé toutes ces informations, l’infirmière formule un diagnostic infirmier pour identifier les principaux problèmes de santé et orienter la prise en charge.

  • Ce diagnostic repose sur le jugement clinique et la compréhension globale de l’état du patient.
  • Les diagnostics infirmiers servent de cadre pour organiser les soins, mais leur utilisation peut varier selon les situations et les pratiques cliniques.
  • En réalité, c’est surtout l’expertise, l’observation et le raisonnement clinique de l’infirmière qui permettent d’adapter le plan de soins aux besoins uniques et prioritaires de chaque patient.

Objectifs infirmiers pour les patients atteints de troubles bipolaires

Les objectifs des soins infirmiers visent à assurer la sécurité du patient, à favoriser sa stabilité émotionnelle, et à améliorer son autonomie et sa qualité de vie. Ils concernent à la fois le patient et sa famille/proches.

1. Sécurité et stabilité

  • Le patient ne présentera aucune blessure ni chute durant son hospitalisation.
  • Le patient sera protégé contre tout comportement violent, destructeur ou auto-agressif.
  • Le patient bénéficiera d’un environnement sécurisé avec contrôle des stimulations et soutien adapté.
  • Le patient dormira au moins 6 heures par nuit dans les premiers jours de la phase maniaque.

2. Gestion de l’humeur et des symptômes

  • Le patient présentera une réduction de l’agitation et de l’hyperactivité motrice grâce aux soins et au traitement.
  • Le patient exprimera ses émotions avec des mots plutôt qu’avec des actions.
  • Le patient participera progressivement aux activités de groupe et sociales, sans comportements perturbateurs.
  • Le patient retrouvera un niveau de fonctionnement proche de celui d’avant la crise après la phase aiguë.

3. Santé physique et besoins de base

  • Le patient boira et s’alimentera correctement afin d’éviter la déshydratation et la perte de poids.
  • Le patient aura des habitudes de sommeil et d’hygiène régulières (se laver, porter des vêtements adaptés).
  • Le patient présentera des fonctions intestinales normales grâce à une alimentation et une hydratation équilibrées.

4. Adhésion au traitement

  • Le patient prendra régulièrement ses médicaments prescrits et respectera son régime thérapeutique.
  • Le patient comprendra l’importance du suivi médical et infirmier pour éviter les rechutes.

5. Relations sociales et autonomie

  • Le patient saura s’éloigner d’un environnement trop stimulant pour se calmer.
  • Le patient identifiera des activités simples et apaisantes pour réduire son anxiété.
  • Le patient initiera et maintiendra des échanges verbaux adaptés avec les soignants et les autres patients.

6. Implication de la famille et des proches

  • Les proches comprendront le trouble bipolaire et son traitement.
  • Les proches sauront reconnaître les signes précoces d’une rechute et agir en conséquence.
  • La famille sera en lien avec au moins un groupe ou une organisation de soutien.
  • Les proches participeront activement à la psychoéducation et à la prévention des rechutes.

Interventions infirmières et conduite à tenir — Troubles bipolaires

Les interventions infirmières pour les patients atteints de trouble bipolaire visent à stabiliser l’humeur, garantir la sécurité, soutenir l’adhésion thérapeutique et renforcer les stratégies d’adaptation. Voici les actions centrales :

1. Stabilisation de l’humeur & gestion des crises

  • Administration rapide des médicaments prescrits (mood stabilizers, antipsychotiques, etc.) et respect strict des horaires pour éviter les fluctuations de l’humeur.
  • Surveillance des effets secondaires médicamenteux (signes de toxicité, déshydratation, anomalies électrolytiques…).
  • Isolement thérapeutique ou réduction des stimulations si le patient est en phase maniaque sévère, pour limiter l’agitation et le risque de blessure.
  • Fixation de limites claires et cohérentes dans les interactions : dire « non » avec calme, rediriger les comportements impulsifs vers des activités positives.
  • Observation rapprochée pendant la phase aiguë pour détecter tout signe de crise suicidaire ou d’aggravation des symptômes.

2. Promotion de la sécurité & prévention des dommages

  • Aménagement de l’environnement : mobilier sécurisé, objets dangereux hors de portée, sols antidérapants, éclairage adapté.
  • Surveillance rapprochée de la mobilité pour éviter les chutes, surtout en cas d’agitation ou de délire.
  • Hydratation et nutrition contrôlée : encourager la prise de liquides et repas réguliers, adapter les textures si besoin, surveiller les signes de déshydratation.
  • Assurer le repos et le sommeil : instaurer une routine nocturne stable, limiter les stimuli dans la chambre, favoriser la sédation douce si prescrite.

3. Encouragement de l’adhésion thérapeutique

  • Éducation individualisée : expliquer au patient (et à la famille) la nature du trouble, les traitements, leurs effets et l’importance de la régularité.
  • Soutien à l’autogestion : encourager le patient à tenir un journal de l’humeur, à identifier les déclencheurs, à reconnaitre les prémices d’une rechute.
  • Rappels et supervision des prises : organiser des systèmes de rappel (alarme, pilulier) pour faciliter la prise régulière des médicaments.

4. Soutien psycho­social et stratégies d’adaptation

  • Thérapies de soutien : entretiens psychologiques, thérapies de groupe, approche cognitive comportementale (si disponible).
  • Activités thérapeutiques contrôlées : proposer des activités calmes, structurées, sécurisantes – peinture, musique, jeux simples.
  • Encourager les interactions sociales positives : visites, interactions avec pairs, activités supervisées.

5. Coordination interdisciplinaire & suivi

  • Collaboration avec l’équipe médicale : psychiatrie, psychologue, pharmacien pour adapter les traitements si besoin.
  • Planification de la sortie et du suivi ambulatoire : anticiper les rendez-vous, les ressources de soutien, les plans de crise.
  • Documentation rigoureuse : noter les niveaux d’agitation, les interventions, les réponses, les effets secondaires, les progrès.

Conclusion

La prise en charge infirmière des troubles bipolaires joue un rôle essentiel dans la stabilisation de l’humeur, la prévention des rechutes et l’amélioration de la qualité de vie des patients. Grâce à une évaluation précise, des interventions adaptées et une collaboration interdisciplinaire, les infirmiers contribuent à assurer la sécurité, à favoriser l’adhésion thérapeutique et à soutenir les patients dans leur parcours de soins. En combinant suivi médical, soutien psychosocial et implication des proches, il est possible d’accompagner efficacement les personnes vivant avec ce trouble et de leur offrir un environnement propice à l’équilibre et à l’autonomie.