Insuffisance rénale chronique : Diagnostic Infirmier & Plan de soins

Utilisez ce plan de soins infirmiers comme guide pour la prise en charge des patients atteints d’insuffisance rénale chronique (IRC). Vous y trouverez les bases de l’évaluation infirmière, des interventions, des objectifs et des diagnostics spécifiques à cette pathologie.

Qu’est-ce que l’insuffisance rénale chronique ?

L’insuffisance rénale chronique (IRC), aussi appelée maladie rénale chronique (MRC), est une maladie progressive qui altère la structure et le fonctionnement des reins sur plusieurs mois ou années. Elle se caractérise par :

  • une diminution de la fonction rénale, mesurée par un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) < 60 ml/min/1,73 m²,
  • ou par des signes de lésions rénales (albuminurie, sang dans les urines, anomalies aux analyses ou à l’imagerie), persistants depuis au moins trois mois.

Environ 10 % des adultes dans le monde sont touchés par l’IRC. Cette maladie augmente le risque de maladies cardiovasculaires et peut évoluer vers l’insuffisance rénale terminale (IRT), stade final où le rein ne fonctionne plus suffisamment. La MRC est responsable d’un nombre important de décès chaque année et représente un enjeu majeur de santé publique.

Stades de l’insuffisance rénale chronique (IRC)

  • Stade 1 : Lésions rénales avec débit de filtration glomérulaire (DFG) normal ou élevé (> 90 ml/min/1,73 m²)
  • Stade 2 : Légère diminution du DFG (60–89 ml/min/1,73 m²)
  • Stade 3a : Diminution modérée du DFG (45–59 ml/min/1,73 m²)
  • Stade 3b : Diminution modérée du DFG (30–44 ml/min/1,73 m²)
  • Stade 4 : Diminution sévère du DFG (15–29 ml/min/1,73 m²)
  • Stade 5 : Insuffisance rénale terminale (DFG < 15 ml/min/1,73 m² ou nécessité de dialyse)

Facteurs de risque d’évolution rapide de l’IRC

  • Cliniques : protéinurie, hypertension, hyperglycémie, origine africaine
  • Environnementaux / mode de vie : exposition au plomb, tabagisme, syndrome métabolique, certains analgésiques, obésité

Les patients des stades 1 à 3 sont souvent asymptomatiques. Les symptômes apparaissent généralement aux stades 4 et 5, avec troubles métaboliques, endocriniens ou déséquilibre hydrique et électrolytique.

Plans de soins infirmiers et prise en charge

Les objectifs principaux pour les patients atteints d’IRC sont :

  • Surveiller et gérer les déséquilibres hydriques et électrolytiques
  • Prévenir les complications : infections, hypertension, aggravation de la maladie
  • Fournir des conseils diététiques adaptés
  • Coordonner avec l’équipe médicale et autres professionnels de santé pour une prise en charge globale
  • Promouvoir l’autogestion et l’observance des traitements afin de ralentir la progression de la maladie et améliorer la qualité de vie

L’éducation du patient est essentielle pour renforcer la compréhension de la maladie, les mesures préventives et la gestion quotidienne.

Priorités en soins infirmiers – Insuffisance rénale chronique (IRC)

  1. Maintenir l’équilibre hydrique et électrolytique
  2. Contrôler la pression artérielle
  3. Surveiller et gérer la fonction rénale
  4. Assurer l’administration et l’observance des médicaments
  5. Adapter l’alimentation et soutenir la nutrition
  6. Évaluer et prévenir les complications : anémie, maladies cardiovasculaires, hyperkaliémie, acidose
  7. Éduquer le patient sur les soins personnels, l’hygiène, le suivi et les modifications du mode de vie
  8. Gérer les comorbidités : diabète, hypertension, troubles cardiovasculaires

Évaluation infirmière – Signes et symptômes à observer

Symptômes subjectifs :

  • Nausées, vomissements, perte d’appétit
  • Fatigue, faiblesse, troubles du sommeil
  • Démangeaisons persistantes (prurit)
  • Douleurs thoraciques (péricardite urémique)
  • Essoufflement (œdème pulmonaire)

Signes objectifs :

  • Variation du volume urinaire : polyurie, oligurie, nycturie
  • Urine mousseuse, bouillonnante, pâle, foncée ou avec sang
  • Baisse de la vivacité mentale
  • Spasmes ou crampes musculaires
  • Œdème des pieds et chevilles
  • Hypertension non contrôlée

Facteurs liés à la progression de l’IRC

  • Déséquilibre hydrique : affecte le volume circulatoire, la charge du cœur et la résistance vasculaire
  • Déséquilibre électrolytique et hypoxie : altère le rythme et la conduction cardiaque
  • Accumulation de toxines (urée) et dépôts de phosphate de calcium dans les tissus mous
  • Profil sanguin anormal : anémie, perturbations des électrolytes et de l’acide-base

Diagnostic infirmier – Insuffisance rénale chronique (IRC)

Après une évaluation complète, l’infirmier(ère) établit un diagnostic infirmier pour répondre aux besoins spécifiques liés à la maladie rénale chronique.

  • Ce diagnostic repose sur le jugement clinique et la compréhension de l’état de santé unique du patient.
  • Les étiquettes de diagnostic servent de cadre pour organiser les soins, mais dans la pratique, c’est l’expertise et le jugement clinique qui déterminent les interventions prioritaires et adaptées aux préoccupations du patient.

Objectifs infirmiers (résultats attendus)

Fonction cardiovasculaire et hémodynamique :

  • Maintien d’une pression artérielle et d’une fréquence cardiaque normales
  • Pouls périphériques forts et réguliers, temps de remplissage capillaire rapide
  • Absence de signes de saignement ou d’hémorragie

Paramètres biologiques et métaboliques :

  • Valeurs biologiques améliorées ou stables (hémoglobine, hématocrite, électrolytes)
  • Absence de douleurs osseuses ou de perte sensorielle

Fonction cognitive et adaptation :

  • Maintien d’un niveau optimal de facultés mentales
  • Identification et mise en place de stratégies pour compenser les troubles cognitifs ou de mémoire

Intégrité tissulaire et muqueuse :

  • Peau intacte et adoption de comportements pour prévenir les lésions cutanées
  • Intégrité des muqueuses maintenue, interventions spécifiques pour la santé buccale

Autogestion et éducation :

  • Compréhension du processus pathologique, des traitements et des complications
  • Exécution correcte des procédures nécessaires avec explications appropriées
  • Adoption de changements de mode de vie recommandés

Support familial et adaptation émotionnelle :

  • Identification de mécanismes d’adaptation positifs par le patient et la famille
  • Début de processus de gestion du deuil lié à la maladie chronique

Fonction urinaire :

  • Maintien d’un débit urinaire suffisant et continu pour la situation du patient
  • Adoption de comportements visant à retrouver le contrôle de la vessie
  • Miction régulière et complète

Interventions infirmières et conduite à tenir dans l’insuffisance rénale chronique

1. Gestion de l’équilibre hydrique et électrolytique

  • Surveillance du poids corporel : Effectuer des pesées quotidiennes à la même heure et avec le même équipement pour évaluer les gains ou pertes de poids, indicatifs d’un excès ou d’une perte de liquide corporel.
  • Évaluation des signes de surcharge liquidienne : Rechercher des œdèmes périphériques, une prise de poids rapide, une dyspnée ou des râles crépitants à l’auscultation pulmonaire.
  • Suivi des apports et des sorties de liquides : Mesurer et enregistrer les entrées (alimentation, perfusions) et les sorties (urines, drains, vomissements) pour ajuster les interventions.
  • Administration de diurétiques : Prescrire des diurétiques en fonction des besoins du patient pour gérer la rétention hydrosodée.

2. Contrôle de la pression artérielle

  • Mesure régulière de la tension artérielle : Effectuer des prises de tension artérielle à intervalles réguliers pour détecter et traiter l’hypertension.
  • Éducation sur l’observance thérapeutique : Informer le patient sur l’importance de la prise régulière des antihypertenseurs et des modifications du mode de vie.
  • Collaboration avec l’équipe soignante : Adapter le traitement antihypertenseur en fonction des résultats des examens et de l’évolution clinique du patient.

3. Surveillance et gestion de la fonction rénale

  • Suivi des paramètres biologiques : Contrôler régulièrement la créatinine sérique, le taux de filtration glomérulaire estimé (DFGe) et les électrolytes pour évaluer la fonction rénale.
  • Observation des signes d’aggravation : Être vigilant aux symptômes tels que la fatigue, la confusion, les nausées ou les modifications du débit urinaire, pouvant indiquer une détérioration de la fonction rénale.

4. Administration et observance des médicaments

  • Éducation thérapeutique : Expliquer au patient le rôle et les effets secondaires des médicaments prescrits, notamment les inhibiteurs de la pompe à protons, les agents chélateurs du phosphate et les érythropoïétines.
  • Suivi de l’observance : Mettre en place des stratégies pour encourager la prise régulière des médicaments, comme l’utilisation de piluliers ou de rappels.
  • Évaluation des interactions médicamenteuses : Vérifier les interactions potentielles entre les médicaments prescrits et les traitements en cours.

5. Modifications alimentaires et soutien nutritionnel

  • Consultation diététique : Orienter le patient vers un diététicien pour élaborer un plan alimentaire adapté, limitant l’apport en protéines, en sodium et en potassium.
  • Éducation nutritionnelle : Informer le patient sur les aliments à privilégier et à éviter, en fonction de son stade d’IRC.
  • Suivi de l’état nutritionnel : Surveiller les signes de malnutrition, tels que la perte de poids inexpliquée ou la diminution de l’appétit.

6. Évaluation et gestion des complications

  • Surveillance des complications courantes : Être attentif aux signes d’anémie, d’hyperphosphatémie, d’hyperkaliémie ou d’acidose métabolique.
  • Collaboration interprofessionnelle : Travailler en étroite collaboration avec les néphrologues, les cardiologues et les autres membres de l’équipe soignante pour une prise en charge globale.
  • Préparation à la dialyse : Informer le patient sur les options de traitement, y compris la dialyse péritonéale ou hémodialyse, si nécessaire.

7. Éducation sur les soins personnels et les modifications du mode de vie

  • Promotion de l’autogestion : Encourager le patient à surveiller son poids, sa pression artérielle et ses habitudes alimentaires.
  • Soutien psychologique : Offrir un soutien émotionnel pour aider le patient à faire face au diagnostic et aux changements de mode de vie.
  • Sensibilisation aux signes d’alerte : Informer le patient sur les symptômes nécessitant une consultation médicale urgente, tels que l’aggravation de l’œdème, la dyspnée ou la confusion.

8. Évaluation et prise en charge régulières des comorbidités

  • Suivi des pathologies associées : Gérer les affections concomitantes telles que le diabète, l’hypertension ou les maladies cardiovasculaires.
  • Coordination des soins : Assurer une communication efficace entre les différents professionnels de santé impliqués dans la prise en charge du patient.
  • Réévaluation périodique : Planifier des bilans réguliers pour ajuster le traitement en fonction de l’évolution de l’état du patient.

Conclusion

L’insuffisance rénale chronique est une maladie progressive qui nécessite une surveillance attentive et une prise en charge globale. Pour l’infirmier(ère), il est essentiel de gérer l’équilibre hydrique et électrolytique, de contrôler la pression artérielle, de suivre la fonction rénale, et d’accompagner le patient dans ses traitements, son alimentation et son mode de vie. Une éducation ciblée et un soutien adapté permettent au patient de mieux comprendre sa maladie, d’adopter des comportements préventifs et de ralentir la progression de l’insuffisance rénale, tout en améliorant sa qualité de vie.