Dysphagie : Diagnostic Infirmier & Plan de soins

Guide de soins infirmiers pour la dysphagie et les troubles de la déglutition

Ce guide fournit aux étudiants en santé et aux infirmiers un outil complet pour prendre en charge les patients souffrant de dysphagie ou de troubles de la déglutition. Il présente les étapes pour :

  • Réaliser une évaluation infirmière approfondie,
  • Mettre en œuvre des interventions basées sur des preuves,
  • Définir des objectifs adaptés,
  • Identifier les diagnostics infirmiers pertinents liés à la dysphagie.

Qu’est-ce que la dysphagie ?

La dysphagie ou les troubles de la déglutition se traduisent par une difficulté ou un effort accru pour transférer les aliments ou les liquides de la bouche à l’estomac. Elle survient lorsque les muscles et les nerfs impliqués dans la déglutition ne fonctionnent pas correctement. La dysphagie peut être temporaire ou permanente et, dans certains cas, entraîner des complications graves.

Selon la littérature récente (Rameau et al., 2022) :

  • Dysphagie : sensation subjective de difficulté à avaler ressentie par le patient, avec symptômes tels qu’une sensation d’obstruction, étouffement ou toux pendant la déglutition.
  • Troubles de la déglutition : anomalies objectives observées par les professionnels de santé, reflétant un dysfonctionnement réel des muscles ou des nerfs de la déglutition.

Complications et mécanismes possibles

L’aspiration d’aliments ou de liquides peut se produire en raison :

  • D’un problème structurel ou d’une obstruction,
  • D’un dysfonctionnement nerveux ou musculaire,
  • D’une paralysie faciale ou d’une altération de la perception.

Ces anomalies peuvent toucher les muscles de la mastication et de la déglutition, entraînant un risque accru d’étouffement et de complications respiratoires.

Les phases de la déglutition

L’acte de déglutition (avaler) se déroule en quatre étapes principales, chacune jouant un rôle clé dans le passage sûr des aliments de la bouche à l’estomac.

1. Phase préparatoire

  • Comprend la mastication des aliments, leur mélange avec la salive et leur préparation pour le transport.
  • Cette étape se déroule entièrement dans la cavité buccale.

2. Phase orale

  • Le bol alimentaire est poussé de la bouche vers le pharynx grâce à la langue.
  • C’est la transition entre la préparation et le passage dans la gorge.

3. Phase pharyngée

  • Les aliments traversent le pharynx jusqu’à l’œsophage.
  • La coordination entre respiration et déglutition est essentielle, car elles partagent le même passage mais ne doivent pas se produire en même temps.

4. Phase œsophagienne

  • Le bol alimentaire descend dans l’œsophage jusqu’à l’estomac.
  • Cela implique une onde péristaltique, c’est-à-dire des contractions musculaires successives qui propulsent les aliments vers l’estomac.

Priorités en matière de soins infirmiers pour la dysphagie

Pour les patients présentant des troubles de la déglutition ou de la dysphagie, les principales priorités en soins infirmiers sont :

1. Protection des voies respiratoires

  • La sécurité respiratoire du patient est une priorité absolue afin de prévenir l’aspiration et les complications pulmonaires.

2. Soutien nutritionnel

  • Mettre en place un régime alimentaire adapté qui répond aux besoins spécifiques du patient et assure un apport nutritionnel suffisant.

3. Éducation du patient et de sa famille

  • Informer le patient et ses aidants sur :
    • La prise en charge de la dysphagie,
    • Les précautions à prendre pour éviter l’aspiration,
    • Les restrictions et modifications alimentaires nécessaires.

Évaluation infirmière

Une évaluation complète est essentielle pour identifier les causes possibles de la dysphagie et anticiper les difficultés pendant les soins.

Signes et symptômes à évaluer :

  • Sensation d’aliments qui collent : peut indiquer une difficulté à propulser le bol alimentaire, un sphincter œsophagien supérieur mal relâché, des lésions de la muqueuse, des troubles œsophagiens ou des reflux répétés.
  • Modifications du goût : peuvent être liées à des altérations neurogènes, des lésions de la muqueuse buccale ou pharyngée, des effets de médicaments, ou des traitements comme la chimiothérapie ou radiothérapie.
  • Toux avec les aliments ou les liquides (avant, pendant ou après la déglutition) : peut refléter une aspiration ou une maladie pulmonaire.
  • Toux au repos ou entre les repas : peut indiquer l’aspiration de résidus alimentaires ou de salive.
  • Sécrétions buccales excessives : peuvent être dues à une altération de la sensation, à des sécrétions abondantes ou épaisses, ou à une incapacité à gérer normalement les sécrétions.
  • Perte de poids aiguë ou chronique : indique un apport nutritionnel insuffisant ou que les besoins métaboliques dépassent l’apport, comme dans le cas d’une dépression, d’une maladie chronique ou d’un cancer non diagnostiqué.
  • Changement de la qualité vocale pendant les repas : peut suggérer la présence de matières dans le larynx ou sur les cordes vocales, signe d’aspiration potentielle.
  • Bruits humides ou gargouillements à la respiration : indiquent la présence d’aliments ou de liquides dans le pharynx et une incapacité à dégager correctement le pharynx ou le larynx.
  • Fatigue : le patient peut se sentir épuisé pendant ou après les repas, surtout si la déglutition demande un effort important.

Diagnostic infirmier pour la dysphagie

Après une évaluation complète, l’infirmière formule un diagnostic infirmier pour cibler les problèmes liés à la difficulté à avaler (dysphagie). Le diagnostic repose sur le jugement clinique, la compréhension de l’état de santé du patient et la priorisation des besoins individuels.

Les diagnostics servent de cadre pour organiser les soins, mais leur utilisation peut varier selon le contexte clinique. L’essentiel est que l’expertise et le jugement de l’infirmière déterminent le plan de soins adapté à chaque patient.

Exemples de diagnostics infirmiers possibles :

1. Troubles de la déglutition liés à une déficience neuromusculaire

  • Causes : AVC, sclérose latérale amyotrophique (SLA)
  • Signes : difficulté à initier la déglutition, toux ou étouffement pendant les repas, réflexe nauséeux anormal

2. Troubles de la déglutition liés à une obstruction mécanique

  • Causes : tumeur, inflammation
  • Signes : sensation de nourriture coincée dans la gorge, douleur à la déglutition, perte de poids

3. Troubles de la déglutition liés à une déficience cognitive

  • Causes : démence, traumatisme crânien
  • Signes : incapacité à reconnaître les aliments, mauvaise utilisation des couverts, distraction pendant les repas

4. Troubles de la déglutition liés à un retard de développement chez l’enfant

  • Signes : difficulté à coordonner succion et déglutition, toux ou haut-le-cœur pendant l’alimentation, prise de poids lente

5. Troubles de la déglutition liés à des facteurs psychologiques

  • Causes : anxiété, peur
  • Signes : refus de manger devant d’autres personnes, peur de s’étouffer, préférence pour aliments liquides ou mous

6. Troubles de la déglutition liés aux effets secondaires de traitements

  • Causes : radiothérapie, chirurgie
  • Signes : sécheresse buccale, maux de gorge, modifications du goût, difficultés à avaler

7. Troubles de la déglutition liés à une diminution de la production de salive

  • Causes : syndrome de Sjögren, médicaments
  • Signes : besoin de boire pour avaler, difficultés à gérer la salive

8. Troubles de la déglutition liés à un rétrécissement ou spasme de l’œsophage

  • Signes : sensation d’oppression ou de constriction dans la gorge, régurgitations alimentaires, préférence pour aliments mous ou mixés

Objectifs infirmiers pour la dysphagie

Les objectifs de soins servent à guider les interventions et à mesurer l’efficacité du plan de soins. Pour les patients présentant une dysphagie ou des troubles de la déglutition, les résultats attendus peuvent inclure :

  • Le patient avale en toute sécurité, avec un risque minimal ou nul d’aspiration.
  • Le patient maintient un poids stable et ses besoins nutritionnels sont satisfaits.
  • Le patient exprime clairement ses besoins et préférences, et les stratégies de communication sont mises en place efficacement.
  • Le patient ne présente aucune complication liée à la dysphagie (ex. aspiration, malnutrition, infections pulmonaires).
  • Le patient et ses aidants comprennent et appliquent correctement :
    • Les modifications alimentaires nécessaires,
    • Les techniques de déglutition sécuritaires,
    • Les signes d’alerte indiquant une complication potentielle.

Interventions infirmières et conduite à tenir pour la dysphagie

1. Positionnement optimal

  • Installer le patient en position haute-Fowler (90°) ou légèrement incliné vers l’avant pendant les repas. Cette posture réduit le risque d’aspiration en facilitant le passage des aliments vers l’œsophage.

2. Surveillance clinique

  • Observer les signes d’aspiration : toux pendant ou après les repas, voix rauque, bruits respiratoires anormaux, ou retard de la déglutition. Ces symptômes peuvent indiquer une aspiration silencieuse, nécessitant une évaluation urgente.
  • Évaluer la fonction de déglutition : tester la déglutition avec une petite quantité d’eau et vérifier la présence du réflexe nauséeux. Une perte de ce réflexe augmente le risque d’aspiration.

3. Alimentation adaptée

  • Proposer des textures modifiées : selon les recommandations d’un orthophoniste ou d’un diététicien, utiliser des épaississants pour les liquides et offrir des aliments de consistance adaptée (purées, compotes, soupes épaisses).
  • Encourager une mastication complète : conseiller au patient de mâcher lentement et soigneusement, en prenant de petites bouchées et en alternant avec des gorgées d’eau si nécessaire.

4. Techniques de déglutition sécuritaires

  • Utiliser des stratégies compensatoires : par exemple, demander au patient de pencher légèrement la tête en avant ou de tourner la tête du côté affecté pour améliorer la sécurité de la déglutition.
  • Former le patient à des exercices de déglutition : après une évaluation formelle, enseigner des exercices spécifiques pour renforcer les muscles impliqués dans la déglutition.

5. Éducation du patient et de l’entourage

  • Informer sur les risques d’aspiration : expliquer les signes d’alerte et l’importance de respecter les recommandations alimentaires et de positionnement.
  • Former à l’utilisation d’outils d’aide à la déglutition : si nécessaire, enseigner l’utilisation de dispositifs adaptés pour faciliter l’alimentation.

6. Collaboration interprofessionnelle

  • Consulter un orthophoniste : pour une évaluation approfondie de la fonction de déglutition et la mise en place d’un plan de rééducation personnalisé.
  • Collaborer avec un diététicien : pour élaborer un plan nutritionnel adapté aux besoins du patient, en tenant compte des textures alimentaires et des apports caloriques.

Conclusion

La dysphagie représente un défi majeur dans les soins infirmiers, car elle peut entraîner des risques graves comme l’aspiration, la malnutrition ou les infections respiratoires. Une prise en charge efficace repose sur une évaluation complète, l’établissement de diagnostics infirmiers précis, la définition de plans de soins individualisés et la mise en œuvre d’interventions adaptées, incluant le positionnement, les textures alimentaires modifiées, les exercices de déglutition et la surveillance clinique.

L’éducation du patient et de son entourage, ainsi que la collaboration interprofessionnelle avec les orthophonistes et diététiciens, sont essentielles pour améliorer la sécurité et la qualité de vie des patients. Pour les étudiants en santé, comprendre ces principes et savoir les appliquer est crucial pour offrir des soins sécurisés, personnalisés et centrés sur le patient.