Ce guide de soins infirmiers vous aide à comprendre la prise en charge d’un patient ayant subi une gastrectomie subtotale. Vous y trouverez les points essentiels concernant l’évaluation infirmière, les interventions prioritaires, les objectifs de soins et les principaux diagnostics infirmiers associés à cette chirurgie.
I. Qu’est-ce qu’une gastrectomie subtotale ?
La gastrectomie subtotale (ou résection gastrique) est une intervention chirurgicale qui consiste à enlever une partie de l’estomac. Elle est indiquée dans plusieurs situations, comme :
- une hémorragie gastrique ou un ulcère résistant aux traitements,
- un dysfonctionnement du sphincter œsophagien inférieur,
- une obstruction du pylore,
- une perforation gastrique,
- ou un cancer de l’estomac.
Le chirurgien retire uniquement la partie malade de l’estomac, en préservant autant que possible les structures saines.
II. Priorités de soins infirmiers
Chez un patient ayant subi une résection gastrique, les priorités de l’infirmier(ère) sont :
- Soulager la douleur et l’inconfort postopératoires.
- Surveiller la cicatrisation de la plaie et prévenir toute infection du site opératoire.
- Détecter et gérer rapidement les complications (ex. : fuite anastomotique, saignement).
- Assurer un soutien nutritionnel adapté, en expliquant les changements alimentaires nécessaires.
- Informer le patient sur les soins postopératoires et les adaptations de mode de vie.
- Répondre aux questions sur la digestion et l’absorption des nutriments après la chirurgie.
- Prévenir et prendre en charge le syndrome de dumping ainsi que d’autres troubles digestifs.
- Planifier un suivi régulier afin d’ajuster la prise en charge en fonction de l’évolution du patient.
III. Évaluation infirmière
L’évaluation doit porter à la fois sur :
- Les données subjectives (douleur, inconfort, nausées, plaintes du patient).
- Les données objectives (signes vitaux, aspect de la plaie, saignement, signes d’infection, tolérance alimentaire).
Ces informations servent de base pour orienter les interventions infirmières et personnaliser le plan de soins.
IV. Diagnostic infirmier
Après une évaluation complète, l’infirmier(ère) peut formuler différents diagnostics infirmiers afin de cibler les principaux défis liés à la gastrectomie subtotale.
Ces diagnostics servent de cadre organisationnel pour planifier les soins, mais leur utilisation peut varier selon les situations cliniques et les habitudes de l’équipe.
Au final, c’est l’expertise et le jugement clinique de l’infirmier(ère) qui permettent de définir un plan de soins adapté, en tenant compte des besoins et priorités spécifiques du patient.
V. Objectifs infirmiers
Les résultats attendus pour un patient après une gastrectomie subtotale peuvent être :
- Le patient comprend la procédure chirurgicale, son déroulement et les conséquences possibles.
- Le patient exprime sa compréhension des changements fonctionnels liés à la digestion et à l’absorption.
- Le patient identifie les comportements et interventions nécessaires pour maintenir un poids stable et un état nutritionnel correct.
- Le patient est capable de réaliser correctement les soins ou procédures nécessaires, tout en expliquant les raisons de chaque action.
VI. Interventions et mesures infirmières
Les principales interventions infirmières pour un patient ayant subi une gastrectomie subtotale visent à assurer une bonne récupération, prévenir les complications et maintenir un équilibre nutritionnel optimal.
1. Surveillance du transit intestinal
- Auscultation des bruits intestinaux et observation du passage des gaz.
- Le retour du péristaltisme (souvent vers le 3ᵉ jour postopératoire) indique que le patient peut recommencer à s’alimenter par voie orale.
2. Tolérance à l’alimentation
- Évaluer la réaction du patient à l’hydratation et à la reprise alimentaire : rechercher distension abdominale, douleurs, crampes, nausées ou vomissements.
- Ces signes peuvent indiquer des complications comme un iléus paralytique, une obstruction ou un retard de vidange gastrique.
3. Surveillance du drainage gastrique
- Observer la nature et la quantité : d’abord sanguinolent dans les 12 premières heures, puis verdâtre.
- Un saignement persistant ou une modification brutale peut révéler une complication.
4. Évaluation de l’état nutritionnel
- Comparer le poids initial avec les mesures postopératoires.
- Contrôler les bilans biologiques (hémoglobine, hématocrite, électrolytes, protéines totales, préalbumine).
- Cela permet d’adapter l’apport nutritionnel et de dépister rapidement une carence.
5. Gestion de la sonde nasogastrique
- Vérifier sa perméabilité et signaler tout déplacement au médecin.
- La sonde permet de reposer le tube digestif en postopératoire, mais un mauvais positionnement peut être dangereux et nécessiter une reposition endoscopique.
6. Conseils au patient
- Limiter la consommation de glaçons, car une prise excessive peut provoquer des nausées et entraîner une perte d’électrolytes par la sonde.
7. Soins de la bouche
- Assurer une hygiène buccale régulière, par exemple en appliquant de la vaseline sur les lèvres. Cela prévient la sécheresse et les gerçures causées par la restriction hydrique et la présence de la sonde nasogastrique.
8. Adaptation de l’alimentation
- Éviter le lait et les aliments riches en glucides. Ils peuvent déclencher un syndrome de dumping (vidange trop rapide de l’estomac). Faire progresser l’alimentation selon la tolérance du patient :
- D’abord un régime liquide clair, Puis un régime fade composé de petits repas fractionnés. Après le retrait progressif de la sonde nasogastrique, l’apport alimentaire est augmenté lentement pour éviter irritations et distensions.
9. Apports nutritionnels et hydriques
- Administrer des liquides IV, une nutrition parentérale totale (NPT) et des lipides selon prescription. Cela permet de couvrir les besoins hydriques et nutritionnels en attendant la reprise de l’alimentation orale.
10. Médicaments et suppléments
- Anticholinergiques (ex. atropine, propanthéline) : aident à réduire le syndrome de dumping et favorisent la digestion.
- Vitamine B12 et calcium : essentiels car la gastrectomie réduit leur absorption → prévention de l’anémie pernicieuse et de la décalcification osseuse. Suppléments en fer : préviennent l’anémie ferriprive.
- Suppléments protéiques : favorisent la cicatrisation et la réparation des tissus.
- Enzymes pancréatiques et sels biliaires : améliorent le processus digestif.
- Triglycérides à chaîne moyenne (TCM) : facilitent l’absorption des graisses et des vitamines liposolubles, réduisant les risques de malabsorption.
VII. Éducation du patient et enseignement thérapeutique
1. Alimentation à surveiller
- Identifier les aliments irritants pour l’estomac : chocolat, plats épicés, céréales complètes, légumes crus.
- Limiter ou éviter ces aliments aide à réduire les risques d’ulcères et de saignements gastriques.
- Les fruits frais sont utiles pour prévenir le syndrome de dumping, mais ils peuvent aussi irriter l’estomac → à consommer avec prudence.
2. Reconnaître le syndrome de dumping
- Symptômes à connaître : faiblesse, sueurs abondantes, nausées, vomissements, crampes abdominales, étourdissements, palpitations, diarrhées soudaines.
- Ces signes apparaissent souvent 15 minutes à 1h après un repas.
- Le syndrome est parfois transitoire (1 à 3 semaines postopératoires) mais peut devenir chronique et gêner l’absorption des nutriments.
3. Signes d’alerte nécessitant une consultation médicale
- Nausées et vomissements persistants,
- Sensation de plénitude abdominale inhabituelle,
- Perte de poids, diarrhée ou selles grasses/malodorantes,
- Vomissements sanglants ou aspect « marc de café »,
- Fièvre, douleurs abdominales inhabituelles.
- Ces symptômes peuvent révéler des complications graves comme une péritonite, une pancréatite ou un syndrome de la boucle afférente → nécessitant une prise en charge rapide.
4. Gestion du stress et de la vie professionnelle
- Discuter des sources de stress et trouver des moyens de les réduire.
- Le stress peut perturber la motilité gastrique et nuire à la digestion. Dans certains cas, une réorientation professionnelle ou un accompagnement adapté peut être nécessaire.
5. Information sur la récupération postopératoire
- Expliquer les étapes de la convalescence :
- La récupération est souvent plus longue que prévu.
- Le patient peut mettre 3 mois avant de retrouver une alimentation partiellement normale.
- Un retour à 3 repas complets par jour peut prendre jusqu’à 12 mois.
- Prévenir le patient (et sa famille) permet de réduire l’angoisse et de mieux gérer cette période.
VIII. Conseils nutritionnels et habitudes de vie après une gastrectomie subtotale
1. Adapter son alimentation
- Un régime pauvre en graisses peut être nécessaire pour éviter une gastrite de reflux.
- Privilégier un régime pauvre en glucides et en graisses, mais riche en protéines.
- Cela favorise la cicatrisation, limite les carences et améliore la récupération.
- Prendre de petits repas fréquents, manger lentement, dans le calme, et se reposer après chaque repas.
- Éviter : les aliments très chauds ou très froids, la caféine, les produits laitiers, l’alcool, le sucre, le sel en excès et certains aliments riches en fibres.
- Ces mesures réduisent le risque de syndrome de dumping, d’hypoglycémie et d’irritation gastrique.
2. Aliments à privilégier ou à éviter
- Éviter certains aliments difficiles à digérer (peaux, pépins, écorces d’agrumes) → risque de phytobézoard (masse alimentaire bloquée).
- Manger des aliments riches en pectine : agrumes, pommes, bananes, légumes jaunes, haricots.
- Aide à réduire le syndrome de dumping.
- Bien mâcher les aliments pour faciliter la digestion avec l’estomac restant.
3. Prévenir et reconnaître l’hypoglycémie
- Symptômes possibles : faiblesse, sueurs, tremblements, vertiges.
- Corriger avec : fromage + crackers, jus d’orange ou de raisin.
4. Surveiller son poids et son état nutritionnel
- Se peser régulièrement pour détecter une perte de poids excessive (fréquente à cause de la satiété rapide et des restrictions alimentaires).
- Surveiller les signes de carences nutritionnelles (vitamine B12, calcium, fer, etc.).
5. Médicaments et traitements
- Bien suivre les prescriptions : posologie, horaires, effets secondaires.
- Exemples :
- Anticholinergiques ou poudre de pectine → réduire le syndrome de dumping.
- Antiacides et antihistaminiques → limiter l’irritation gastrique.
- Lire les étiquettes et éviter l’aspirine (AAS) et l’ibuprofène, qui peuvent causer des saignements gastriques.
6. Hygiène de vie et suivi médical
- Arrêt du tabac : le tabagisme augmente l’acidité gastrique, réduit la vascularisation et fragilise les muqueuses.
- Consultations régulières : indispensables pour dépister des complications comme l’anémie, les troubles nutritionnels ou une rechute.
IX. Conclusion
La gastrectomie subtotale est une intervention lourde qui demande une prise en charge infirmière rigoureuse et globale. Au-delà du suivi chirurgical immédiat, les infirmiers jouent un rôle clé dans la surveillance des complications, l’accompagnement nutritionnel et l’éducation thérapeutique. L’adaptation du régime alimentaire, la prévention du syndrome de dumping, la gestion des carences et le soutien psychologique font partie intégrante du processus de rétablissement.
En combinant compétences cliniques, vigilance et pédagogie, les soignants permettent aux patients de mieux comprendre leur nouvelle réalité digestive, de prévenir les complications et d’améliorer leur qualité de vie à long terme.